ROBERT AMADOU

Villes occultes : Du Paris de Papus au Lyon de Jean Bricaud

SOMMAIRE

Le soufisme même,

 "Massignon le gnostique"

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Bibliographie et Documents 

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Colloque international

Le défi magique. Spiritisme, satanisme, occultisme dans les sociétés contemporaines.

6-8 avril 1992

 Qu’est-ce que l’Occultisme

 

Topique ce thème à la BML [Bibliothèque de Lyon] ; topique qu'il incombe à l'inventeur des archives ici même conservées de Papus et de Bricaud, leur historien, mais aussi l'un des héritiers directs de cette avant-dernière synthèse de l'occultisme occidental. Topique à contre-sens, le bon, que l'intervenant oriental doive, ès qualités et convictions, redéfinir « le défi magique » d'hier qui s'est aggravé aujourd'hui.

Ce Paris-là, autour de Papus, avec Sédir et Guaita, Barlet, la Société théosophique, des abbés initiés et le patriarche Synésius, dans la mouvance d'Eliphas Lévi, de Saint-Yves d'Alveydre, de Doinel et de M. Philippe ; ce Lyon-là, dans le souvenir latent de Jean-Baptiste Willermoz, disciple de Martines, et de Cagliostro, voire des ennemis de saint Irénée, fier d'Allan Kardec et embarrassé par Boullan, lieu de M. Philippe, où Jean Bricaud fonde le flambeau parisien dans l'inextinguible lumignon lyonnais; à ce Paris et à ce Lyon manque la Méditerranée. La Méditerranée extérieure, condition de la parfaite mare nostrum intérieure et point latine.

Au cœur des anecdotes et des événements, au-delà d'une psycho-sociologie des villes occultes qui confirmerait par la variété accidentelle des rameaux la force et la communauté de la racine, place à l'esprit: sur le présent exemple privilégié, ni plus ni moins, mais autant chroniquement que topiquement, quel est le désir, et ce besoin qui le trahit (dans la double acception) ?

Le désir est fondamental, unique, pourvu qu'on remonte et qu'on creuse: de la déification de l'homme et de la transfiguration de la nature, en symbiose et en sympathie générales.

Sociétés d'initiation, sciences secrètes et petite Église nommée gnostique, tout y est, mais en morceaux ou raté, voire dérisoire: besoin angoissant, parfois affolant, de l'esprit et de la vérité. La synthèse de l'occultisme ne s'accomplit qu'en parfaite théosophie. La rime du besoin appelle l'Église, la raison, éclairant le désir, décide laquelle, et qui défaut en l'espèce.

Outre le satanisme qui n'est qu'un occultisme inverti et le spiritisme, au statut ambigu, l'occultisme lance un défi qu'il serait maladroit ou astucieux de qualifier magique. C'est l'Église romaine qui est mise par l'occultisme, et en mode théologique, au défi de se convertir et de réactiver l'alliance de la sagesse reçue - divine énergie - avec la sagesse acquise par l' effort synergétique de l'homme. Retrouvez l'Église et sauvez du scientisme une science accouplée à une Église en rupture de ban dans le féodalisme. L'occultisme, dès lors, va se retrouver chez lui et y tenir son rôle auxiliaire (ascèse, politique, démonologie, eschatologie, et alia de cosmosophie et d`anthroposophie).

Défi, en revanche, dit à bon droit magique, celui du Nouvel Age. Défi aux confessions occidentales religieuses et laïques, mais aussi à l'occultisme qu'il abâtardit, tout en accentuant, jusqu’à la caricature et dans l'amalgame, la déviance du mysticisme et de la technique d'Occident. Le satanisme et le spiritisme, loin de s'identifier avec l'occultisme, mais souvent infiltrés dans le Nouvel Age, défient eux-mêmes cet occultisme dont seule la nostalgie entache la pureté, et ils prêtent un appui empoisonné à son propre défi au monde cassé.

L'occultisme n'est pas une nouvelle religion. Il n'est pas une religion, mais sa philosophie de nature requiert une religion. Encore s'agit-il d'une religion capable des moyens que l'occultisme conforme au désir dont cette religion détiendra la clef. Une religion qui ne parait nouvelle, ici et maintenant, qu'en raison du schisme et de l'oubli. Mais elle est seule fidèle à la Révélation-Tradition, où les traditions convergent, tendent au moins, vouées à étayer, comme elles peuvent l'être ou l'avoir été à pallier.

Vaines sont les querelles sur l'ésotérisme chrétien aux siècles modernes. Vaine la distinction, ou l'opposition ésotérisme et occultisme : elle procède d'une théologie erronée que la théosophie appelée par l'occultisme périme. Il y eut, à la Belle Epoque, notamment à Paris et à Lyon, un occultisme chrétien d'intention. Tout son propos, fût-il énigmatique, consiste à nous désigner, avant de la servir, la vraie religion, le christianisme ésotérique, l'Église visible qui conserve, cultive et dispense la gnose au nom vérace.