« Dans l'histoire
universelle, chaque grande individualité a une tâche particulière et
irremplaçable. Elle possède quelque chose que l'on ne peut pas
confondre, une sorte d'écriture spécifique. Celle-ci apparaît
naturellement de façon appropriée en cas de rayonnement spirituel
pénétrant dans le mouvement anthroposophique. Un trait dominant émanant
de l'individualité Novalis peut-être saisi comme idéal de
rajeunissement. D'une manière juvénile des forces spirituelles
régénératrices s'écoulent de cette individualité. Mais que signifie
exactement ce "rajeunissement" ? Que signifie-t-il quant à
son mouvement intérieur? Et comment chacun en particulier peut-il en
suivant ce mouvement se rattacher réellement au courant de Novalis?
De telles questions
seront au coeur des conférences - Lors d'échanges elles pourront, à partir
d'un effort commun, être approfondies et élargies. »
Florian Roder
26-27 octobre 2002, congrès en
Alsace, au Kleebach
L'idéal chez Novalis
et le travail anthroposophique
Du dernier congrès au Kleebach
animé par Florian Roder sur les forces de rajeunissement chez Novalis,
j’ai retenu quelques aspects qui me semblent stimulants pour le travail
anthroposophique. La longue fréquentation que Florian Roder a de
l’oeuvre de Novalis lui permet de le laisser nous parler comme s’il
s’adressait à nous aujourd'hui.
Aussi, la venue prochaine de Florian
Roder à Paris nous apparaît-elle comme une opportunité de nous
approcher de cette individualité si importante pour tous ceux qui
s’intéressent à l’anthroposophie.
(Les propos qui suivent n’engagent
que l’auteur qui les a élaborés et rédigés à partir de l'exposé de
Florian Roder).
D’un côté, nous pouvons observer
que l’élément de la pensée a à voir avec la clarté qui descend en nous.
C’est ainsi que nous faisons pénétrer des idées en nous qui sont comme
de la lumière s’insérant par en haut dans notre esprit. Nous avons alors
affaire à un processus achevé, quelque chose de « vieux » en nous.
A l’opposé, nous trouvons la chaleur
dans la volonté qui monte des profondeurs. Nous avons ici affaire à un
processus en mouvement, animé par des forces de jeunesse.
Quand l’élément de la clarté qui
descend et celui de la chaleur qui monte se rencontrent, on assiste à
l’éclosion des forces du coeur que la langue allemande désigne sous
l’appellation de « GEMÜT ». Cette pensée pénétrée de chaleur n’est rien
d'autre qu’un idéal, à savoir une idée en mouvement, orientée
vers un but.
Rudolf Steiner s’est exprimé comme
suit à ce propos : « Toute idée qui ne devient pas en toi un idéal tue
en ton âme une force; toute idée qui devient un idéal crée en toi des
forces de vie » (L’Initiation ou comment acquérir des
connaissances..., GA 10 Ed.Triades, p.38).
On peut constater que si l’idée
reste de la lumière condensée, l’idéal tend à vieillir... A l’inverse,
on peut observer que des sentiments juvéniles trop forts tendent à
déborder. Le tout est de chercher l’équilibre entre les deux forces de
manière à vivre de façon juste notre idéal.
Quand on exerce régulièrement cette
recherche, on assiste à la naissance d’un germe intérieur qui a affaire
au Moi supérieur.
Dans Henri d’Ofterdingen, il
est question d’ASTRALIS. Novalis évoque un processus d’interpénétration
de clarté et de chaleur... Ce qui en résulte, c’est le germe magique de
l'Homme où réside toujours de la volonté.
Qu’est-ce que cela signifie pour la
Société anthroposophique ?
Il ne s’agit pas de chercher des
résultats, mais de s’intéresser à des processus. La formation d’un idéal
n’est jamais quelque chose d’achevé, mais résulte des expérimentations
intérieures que nous faisons à titre individuel. Grâce aux efforts que
nous réalisons dans ce sens, nous nous éloignons d’une « anthroposophie
de la représentation » où l’on se meut d’abord dans le domaine abstrait
des connaissances. En approfondissant méditativement la formation
d’idéaux en nous, nous nous apercevons que nous quittons le monde de la
connaissance pour celui que Novalis appelle le monde de l’extase,
c’est-à-dire d’une extase réfléchie.
Le changement qui s’opère ainsi en
nous nous donne à penser que l’anthroposophie n’est pas achevée; au
contraire, elle nous appelle en permanence à une tâche de
rajeunissement.
Il existe des conditions pour
pénétrer dans le domaine de l’extase, comme par exemple celle du Phénix,
cet « oiseau spirituel de notre être supérieur » qui peut renaître si
l’élément ancien en nous s’est consumé en cendres à travers ce que
Rudolf Steiner appelle l’expérience de souffrances intenses de l’âme.
Si nous nous interrogeons dans ce
sens sur notre rapport à Rudolf Steiner, nous constatons que nous avons
toujours un point de vue à défendre, sinon à imposer, à ce propos. De la
sorte, nous avons affaire à une pensée tournée vers le passé, à une
pensée vieillie. Novalis ne s’intéresse pas à cela. Ce qui l’intéresse,
c’est de faire jaillir une profonde conviction, libérée de la nature
tête de l’Homme. Ainsi naît en l’âme une mobilité « élastique » où
compte non seulement mon point de vue, mais où la conviction d'autrui
est aussi importante que la mienne car il a intériorisé un autre aspect
de l’anthroposophie. En ce sens, Novalis cherche un espace où l’on
n’efface pas les particularités, mais où l’on échange à partir de
différents points de vue.
Antoine Dodrimont |