« Le baron Ungern était un homme extraordinaire, une
nature très compliquée, aussi bien au point de vue
psychologique qu'au point de vue politique. Pour
donner d'une façon simple ses traits
caractéristiques, on pourrait les formuler ainsi :
1° il était un adversaire acharné du bolchevisme,
dans lequel il voyait un ennemi de l'humanité
entière et de ses valeurs spirituelles ; 2° il
méprisait les Russes, qui à ses yeux avaient trahi
l'Entente, ayant rompu pendant la guerre leur
serment de fidélité envers le tsar, puis envers deux
gouvernements révolutionnaires, et ayant accepté
ensuite le gouvernement bolchéviste ; 3° il ne
tendait guère la main à aucun Russe et il
fréquentait seulement les étrangers (et aussi les
Polonais, qu'il estimait à cause de leur lutte
contre la Russie); parmi les Russes, il préférait
les gens simples aux intellectuels, comme étant
moins démoralisés ; 4° c'était un mystique et un
Bouddhiste; il nourrissait la pensée de fonder un
ordre de vengeance contre la guerre ; 5° il
envisageait la fondation d'un grand empire asiatique
pour la lutte contre la culture matérialiste de
l’Europe et contre la Russie soviétique ; 6° il
était en contact avec le Dalaï-lama, le « Bouddha
vivant » et les représentants de l'Islam en Asie, et
il avait le titre de prêtre et de Khan mongol ; 7°
il était brutal et impitoyable comme seul un ascète
et un sectaire peut l'être; son manque de
sensibilité dépassait tout ce qu'on peut imaginer,
et semblerait ne pouvoir se rencontrer que chez un
être incorporel, à l'âme froide comme la glace, ne
connaissant ni la douleur, ni la pitié, ni la joie,
ni la tristesse ; 8° il avait une intelligence
supérieure et des connaissances étendues ; il n'y
avait aucun sujet sur lequel il ne put donner un
avis judicieux ; d'un coup d'œil, il jugeait la
valeur d'un homme qu'il rencontrait... Au début de
juin 1918, un Lama prédit au baron Ungern qu'il
serait blessé à la fin de ce même mois, et qu'il
trouverait sa fin après que son armée serait entrée
en Mongolie et que sa gloire se serait étendue sur
le monde entier. Effectivement, à l'aube du 28 juin,
les bolchévistes attaquèrent la station de Dauria...
et le baron fut blessé d'une balle au côté gauche,
au-dessus du cœur. En ce qui concerne sa mort
également, la prédiction s'est réalisée : il mourut
au moment où la gloire de sa victoire emplissait le
monde entier ».
Major Antoni Alexandrowicz, officier polonais qui
avait été, comme commandant de l'artillerie mongole,
sous les ordres directs du baron von
Ungern-Sternberg en 1918 et 1919, cité par René
Guénon.
« La dernière
phrase est peut-être excessive, à en juger par les
discussions auxquelles nous faisions allusion au
début; mais ce qui parait certain, c'est qu'il ne
fut nullement capturé par les bolchévistes et que,
quoique très jeune encore, il mourut de mort
naturelle, contrairement à la version de M. Vladimir
Pozner. Les lecteurs de celui-ci pourront voir
aussi, d'après ces indications authentiques, si un
personnage de cette sorte put n'être au fond, comme
il l'insinue, qu'un simple agent au service du
Japon, ou s'il ne fut pas plus vraisemblablement mû
par des influences d'un tout autre ordre ; et nous
ajouterons encore, à ce propos, qu’il n'était pas
précisément ce qu'on pourrait appeler un «
néo-bouddhiste », car, d'après des informations que
nous avons eues d'une autre source, l’adhésion de sa
famille au Bouddhisme remontait à la troisième
génération. D'autre part, on a signalé récemment des
phénomènes de « hantise » se produisaient au Château
d’Ungern ; ne s’agirait-il pas de quelques
manifestations de « résidus psychiques » en
connexion plus ou moins directe avec toute cette
histoire ? »
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