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Pour un autre anniversaire, 30 janvier 1989 : Alphonse II de Bourbon 

3 FÉVRIER 1999

Pour un Anniversaire

"Le jeune prince Philippe Pharamond de Bourbon, héros de ce livre, n'existe pas. Mais il pourrait exister. Toutefois je ne me suis donné beaucoup de mal pour qu'il ne puisse être confondu avec aucun des nombreux princes capétiens qui forment la jeune génération, à laquelle il appartient, des descendants légitimes de Robert de Bourbon, second fils de Saint Louis et ancêtre direct d'Henri IV (et les Orléans sont aussi des Bourbons). Qu'on veuille bien admettre une fois pour toutes que le prince Philippe Pharamond de Bourbon est un Bourbon hypothétique, le premier arrivé à Reims, en quelque sorte. Ce livre illustre le principe royal, mais hors de toute question de personne ou de dessein d'ordre politique." (Avertissement)

A propos du 3 février 1999

"Philippe Charles François Louis Henri Jean Robert Hugues Pharamond de Bourbon fut sacré roi de France à Reims le 3 février 1999 sous le nom de Pharamond, par Son Éminence le cardinal Félix Amédée, de l'ordre de saint Benoît, archevêque de Reims selon les dispositions que l'on sait, et légat de Sa Sainteté le pape, ainsi que le prélat en fit part à Sa Majesté lors de la bénédiction pontificale, en présence de la princesse Marie de Bourbon, sœur du souverain, de ses compagnons Odon de Batz, Monclar, Josselin, Bohémond, et du seul Jean-Pierre Amaury, qui, plus tard, en témoigna."

Philippe, Marie, Odon, Monclar, Josselin

"Chargé d'un double portemanteau contenant un paquetage des plus simples, un sixième cheval suivait, mené à la longe par Josselin, qui fermait la marche. En tête allait Odon de Batz. Il avait une boussole lumineuse au poignet et des cartes au 1/20 000 dans une sacoche de cuir, mais ne les consultait jamais. Il les avait tant étudiées que l'itinéraire sortait au fur et à mesure tout tracé de sa mémoire. Il ne se trompait jamais. Ensuite, Philippe et Marie, le plus souvent botte à botte. Les jumeaux respiraient l'air glacé comme un philtre et souvent tournaient leur visage l'un vers l'autre comme s'ils se tendaient un miroir. Après, venait Monclar, mais ce n'était pas un ordre immuable ; ils chevauchaient tels des amis, et ils avaient dix-huit ans. Quand l'un d'eux criaient : "Allez! Allez!", ils piquaient un temps un temps de galop, ventre à terre, pour s'amuser, pour se réchauffer, pour se dilater le cœur et aussi pour accélérer le train, car souvent l'impatience les gagnait. Les longs cheveux blonds de Marie flottaient au vent de la course comme une sorte de comète. Ensuite, ils riaient. Ils riaient de ce bonheur fou d'être ensemble, à l'aube de leur destinée. Si l'on croit que Dieu existe et qu'il n'est pas indifférent à la façon dont se conduisent les hommes dans ce pays qu'il aimait encore, sans doute, là-haut, esquissait-il un sourire de satisfaction."

Bohémond

"- Monseigneur...

Il se retourna. C'était Bohémond. Présentée sur ses deux mains écartées, la paume ouverte, les avant-bras tendus à hauteur de la poitrine, reposait l'épée de Charlemagne débarrassée de son étui. Le jeune homme, sans le savoir, avait pris une pose presque hiératique. Émergeant du fourreau fleurdelisé, la garde au double dragon ailé et le pommeau carolingien à coque d'or en forme de double oiseau héraldique resplendissaient sous la lumière. Les yeux de lapis-lazuli des dragons brillaient de façon si intense que le scintillement des saphirs, des topazes et des améthystes du fourreau pâlissaient. Philippe avança la main et serra la poignée de ses doigts. Depuis Charlemagne, quarante rois, le jour de leur sacre, avaient pris possession de cette épée. Ils se la transmettaient l'un à l'autre, de sacre en sacre, comme un relais de la volonté divine. Quelques instants passèrent ainsi, puis Philippe retira la main."

Anne

"Une lumière s'alluma au quatrième étage, puis un volet s'ouvrit doucement et apparut un jeune fille qui se pencha à la fenêtre. Elle se réveillait d'un rêve. Un son lointain, un galop sourd qui l'avait plongé dans une angoisse à la fois délicieuse et effrayante et qui n'était pas loin du divin... Sa rétine avait conservé le dessin d'une noble et haute silhouette de cavalier. Le pas des chevaux, sur le parking, avait pris le relais de son rêve. Ils étaient cinq, au pied de sa fenêtre, enveloppés de longues capes noires qui couvraient aussi la croupe des chevaux. L'un d'eux fit faire deux pas en avant à sa monture. C'était un jeune homme au visage encadré de cheveux blonds, avec des yeux bleus et bienveillants qui la regardaient en souriant. Elle lui demanda son nom.

- Pharamond, répondit-il. Et vous?

- Je m'appelle Anne. Que faites-vous? Qui êtes-vous?

- Je vous le dirai plus tard.

- Vous reviendrez?

De la tête, Philippe fit signe que oui.

- Je vous guetterai, dit la jeune fille.

- Ce ne sera pas nécessaire, dit Philippe. Nous passerons par ici, je vous le promets.

Henri, Tibérien, Rose, M. Ixe, Rotz, Ulrich

"Philippe se croyait seul. Il ne l'était pas. A la même heure, au même instant, une poignée de moines, en Écosse, aux Iles Féroé, sur les pentes du Mont Ventoux, au fin fond d'une vallée des Alpes et en d'autres lieux reculés d'Europe, à genoux dans leurs églises glacées, priaient afin que Dieu l'entende. Qui sait même si quelques bonzes, au Tibet, quelques prêtres de la tribus des Hopis, ou vestales du temple impérial d'Isé, là-bas, sur leurs montagnes sacrées, ne s'étaient pas spontanément portés en renfort spirituel... Priaient aussi une jeune fille, Anne, les yeux grands ouverts dans le noir, et Jérôme, l'enfant maigre et pâle, ses mains transparentes jointes et d'autres encore, qu'un rêve éveilla et qui sans trop savoir pourquoi prirent le chemin de la prière de la même façon qu'on partait autrefois pour Compostelle ou Jérusalem, parce que Dieu le commandait..."

"Et le royaume était habité.

Certes, il semblait à peine peuplé. Quelques lumières seulement, très isolées, tremblotant dans les lointains, perdues au milieu d'immenses étendues d'un noir encore plus opaque que le ciel. (...) Ces seuls signes de vie humaine sur toute la surface du pays remplissaient une fonction sacrée. Quand ses yeux furent habitués à l'obscurité, Philippe compta une trentaine de points lumineux (...).

- Trente! dit Philippe, transfiguré. Si ceux-là aiment le roi comme je les aime, je tiendrai mille ans!"

Jérôme

"- Jérôme... Jérôme Guillou, dit Philippe. J'avais promis.

Si l'amour du prochain a un sens, c'est en cette minute qu'il le prouva. Philippe se pencha sur l'enfant. Toute peur l'avait quitté. Il posa ses deux mains sur le front de Jérôme et lui dit :

- Le roi te touche, Dieu te guérisse...

L'antique pouvoir miraculeux des rois de France après leur sacre. Saint Louis avait guéri des centaines de malheureux. Ce pouvoir s'était affadi peu à peu, s'estompant de roi en roi, jusqu'à devenir franchement douteux quand vint le siècle des Lumières... "le roi te touche, Dieu te guérisse", a dit Philippe Pharamond, roi de France.

Dieu ne fit pas les choses à moitié et c'est un plaisir de le raconter. Quel narrateur, jamais, en ces temps de foi chichement mesurée et d'infinie prudence théologale, a trouvé sous sa plume cette chance? L'enfant se leva. Il était blond lui aussi. On le vit à ses cheveux qui formaient autour de sa tête un harmonieux casque bouclé. Il considéra avec étonnement ses mains, dont la veille encore, dans sa misère, il s'amusait à compter les os sous la peau devenue transparente. Son visage exprimait le bonheur."