MAURICE MAETERLINCK

"Il est peu d'êtres humains en qui notre univers fut plus spiritualisé et plus divinement humain"

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Voir aussi Germaine Claretie

A propos des Disciples à Saïs

"Il est peu d'œuvres plus mystérieuses, plus sereines et plus belles. On dirait qu'il a gravi je ne sais quelle montagne intérieure que lui seul a connue; et que du haut de ces cimes silencieuses il a vu à ses pieds la nature, les systèmes, les hypothèses et les pensées des hommes. Il ne résume pas, il purifie; il ne juge pas, il domine sans rien dire. En ces grands dialogues profonds et solennels, entremêlés d'allusions symboliques qui vont parfois bien au-delà de la pensée possible, il a fixé le souvenir de l'un des instants les plus lucides de l'âme humaine. Il suffit que le lecteur soit averti qu'il s'agit ici d'un de ces livres rares, où chacun, selon ses mérites, trouve sa récompense."

"Mais laissons maintenant les fragments de cette œuvre mystérieuse [ Les disciples à Saïs ] que la nuit semble ronger des deux côtés, pour arriver à d'autres fragments plus mutilés encore, car toute l'œuvre de ce poète malheureux est un monument idéal dont la fatalité a fait des ruines merveilleuses avant qu'il fût construit. On a dit de Novalis, à propos de ces Fragments, qu'il était un Pascal allemand, et le mot, à certains égards, peut paraître assez juste. Certes, il n'a pas la force claire et profonde, la puissance ramassée et les bonds prodigieux du grand fauve des Pensées; c'est un Pascal un peu somnambule et qui n'entre que très rarement dans la région des certitudes où se complaît son frère. Mais il y a bien des choses qui sont aussi belles que les certitudes. Pascal n'avait pas connu Boehme, Lavater, Eckartshausen, Zinzendorf, Yung Stilling; et le grand Boehme, notamment, ne lâche plus jamais les proies heureuses qu'il a saisies. Novalis règne au pays des hypothèses et des incertitudes, et la puissance de l'homme devient bien hésitante en ces contrées. Il n'a pas de but comme Pascal; il tourne en cercle, les yeux bandés, dans le désert; mais il faut reconnaître que son cercle est immense. Il voulait faire une sorte d'œuvre encyclopédique "où les expériences et les idées nées des sciences les plus diverses se seraient mutuellement éclairées, soutenues et vérifiées", nous dit-il. Il n'eût, probablement, jamais pu achever cette œuvre, mais les ruines éparses en sont belles et étranges."

Introduction aux Fragments, José Corti, 1992