"Novalis est tout harmonie. Il a,
par sa noblesse et sa simplicité ingénue, exercé une irrésistible
séduction sur tous ceux qui l'approchaient. Et aujourd'hui encore, on ne
résiste guère au charme insinuant et subtil qui se dégage de cette douce
physionomie." "Peut-être est-il le
représentant par excellence du romantisme comme Goethe est l'incarnation
typique du classicisme. Mais ne cherchons pas à effacer les distances.
Goethe vécut quatre-vingt-deux ans en parfaite santé d'âme et de corps,
produisant tout un monde d'écrits, développant une activité prodigieuse
dans les domaines les plus divers, léguant à l'humanité quelques
chefs-d'oeuvre impérissables et l'exemple d'une vie qui est peut-être son
chef-d'oeuvre le plus admirable. Novalis est mort de la phtisie à
vingt-huit ans, sans avoir eu le temps d'accomplir rien de grand, laissant
seulement derrière lui la matière de trois petits volumes d'écrits,
presque tous inédits, aphorisme détachés, fragments d'oeuvres inachevées,
ou matériaux épars de travaux futurs. Et, chose étrange, il ne donne pas
l'impression d'être mort trop tôt. Il semble qu'il ait, en somme, accompli
ou peu s'en faut, la tâche pour laquelle il était fait.
"Est-ce un simple hasard que la plus belle figure du romantisme soit une
de ses natures mystérieuses et énigmatiques qui se trouvent sur la terre
comme en un séjour provisoire, presque comme un lieu d'exil d'où ils
tournent leur regard vers leur patrie mystique, vers ce royaume de la
Nuit, que Richard Wagner a chanté en de si merveilleuses harmonies au
dénouement de son Tristan, et dont Novalis a célébré avant lui,
avec des accents qui nous émeuvent encore, la paix souveraine et la
mystérieuse assurance."
Novalis, Paris, 1911 |