LA VOIE ÉSOTÉRIQUE

Exemples tirés de l'ésotérisme des traditions abrahamiques 

SOMMAIRE

Thèmes typiques

L'initiation - La discipline de l'Arcane et le Secret - Théories cycliques - Le Maître - Le Centre spirituel - Le Monde supra humain

 

 

Retour à Ésotérisme

 

La voie ésotérique

Essai de géosophie (I)

Essai de géosophie (II)

 

 > Anne Catherine Emmerich

De la stigmatisée de Dülmen, Anne Catherine Emmerich (1772-1824), nous possédons les descriptions suggestives de quelques uns de ces « lieux » dont il est question dans la voie ésotérique : de la Source de la Vie et de la montagne qui la surplombe, par exemple, qui est cette « montagne des prophètes » où vit saint Élie, selon ce qu’elle nous en a rapporté : « C’est là, sur cette montagne, la plus élevée qui soit au monde et où personne ne peut arriver, qu’ont été mis en sûreté, lorsque la corruption s’est accrue parmi les hommes, des trésors et des mystères sacrés. (…) Le paradis n’est pas loin de là. J’ai vu déjà antérieurement comment Élie vit toujours dans un jardin devant le paradis».

Voici, ensuite, en quels termes Anne Catherine Emmerich décrit ce Monde de l’Ame, qu’elle situe « entre l’orient et le nord », et où demeure Jean, le disciple que Jésus aimait : « Je vis (…) que le corps de Jean n’était pas resté sur la terre. Je vis, entre l’orient et le nord, un lieu resplendissant comme le soleil, et j’y vis Jean comme un intermédiaire recevant d’en haut pour nous le transmettre. Ce lieu, quoiqu’il me parût très élevé et tout à fait inaccessible, faisait néanmoins partie de la terre. J’ai vu aussi que le paradis existe encore au-dessus de cette région, mais séparé de tout le monde. »

 

 

 

 

Novalis

> Le Zohar

Voir La Kabbale

           De la voie ésotérique, le Zohar ou Livre de la Splendeur dont l’auteur est vraisemblablement Moïse de Léon (fin du 13ème siècle), nous donne une première illustration. L’ésotérisme hébraïque tient que « toute la Lumière que Dieu a donnée à Israël, se cache dans la Torah » et aussi que la Kabbale est « l’essence doctrinale de la Torah ».

            Or, c’est à une pérégrination à l’intérieur de la Torah, à une ascension d’Orients successifs, que la Kabbale invite ces pèlerins de l’esprit que le Zohar nomment les « amants de la Torah » :

            « Ses récits qui rapportent des choses du monde composent l’habit qui couvre le corps de la Torah. Et ce corps est formé des préceptes de la Torah. Les hommes sans entendement ne voient que les récits, les vêtements; ceux qui ont un peu plus de sagesse voient également le corps. Mais les véritables sages, ceux qui servent le Roi Très-Haut, ceux qui se tenaient au Mont Sinaï, pénètrent jusqu’à l’âme, jusqu’à la Torah véritable qui est la racine fondamentale de tout. Au temps futurs, il leur sera accordé de pénétrer jusqu’à l’âme même de l’âme de la Torah.

            Voyez maintenant comme il en va de même dans le monde céleste, avec le vêtement, le corps, l’âme et l’âme supérieure. Les vêtements extérieurs sont les cieux et tout ce qu’ils contiennent ; le corps est la communauté d’Israël, et c’est le vase de l’âme, à savoir de « la gloire d’Israël ». Et l’âme de l’âme est l’Ancien Saint. Et tout est conjoint, un degré dans l’autre. »

 > Sohravardî

Voir Henry Corbin

          On trouvera un autre exemple de cette voie ésotérique dans le Récit de l’Exil occidental du philosophe persan Sohravardî (1155-1191).

            De ce récit initiatique, on retiendra l’appel à se détourner de l’occident de notre monde terrestre pour marcher en direction de son horizon oriental : « Si tu veux te délivrer en même temps que ton frère, ne tardez pas à vous résoudre au voyage » (12), mais aussi l’ascension périlleuse, et obscure, jusqu’au terme de cette première étape qui aboutit à la Source de la Vie :

            « Je sortis des grottes et des cavernes, et j’en finis avec les vestibules : je me dirigeais droit vers la Source de la Vie. Voici que j’aperçus les poissons qui étaient rassemblés en la Source de la Vie, jouissant du calme et de la douceur à l’ombre de la Cime sublime. « Cette haute montagne, demandai-je, qu’elle est-elle donc ? Et qu’est ce que ce Grand Rocher ? » (37)

            Commence alors la seconde étape, l’ascension du Sinaï mystique, de ce « Grand Rocher », selon Sohravardî, auquel il est difficile de ne pas associer le Mont Carmel de Saint Jean de la Croix.

            « Puis je fis l’ascension de la montagne, écrit-il. Et voici que j’aperçus notre père à la façon d’un Grand Sage, si grand que les Cieux et la Terre étaient près de se fendre sous l’épiphanie de sa lumière » (39).

            L’intérêt de ce Récit de l’exil occidental réside également dans la manière dont le « retour » est vécu par le pèlerin de l’esprit, avant que la mort ne vienne le délivrer tout à fait. Il lui est promis ceci : « Il te sera possible de revenir de nouveau vers nous et de monter facilement jusqu’à notre paradis, quand tu le voudras » (41). A cette première promesse s’ajoute celle-ci : « C’est que tu finiras par être délivré totalement ; tu viendras te joindre à nous, en abandonnant complètement et pour toujours le pays occidental » (41).

> Novalis

> La vie et l'œuvre du poète romantique allemand Novalis

             Pour en terminer avec cette géographique spirituelle, on mentionnera l’œuvre du poète romantique allemand Novalis et plus particulièrement trois termes – La lumière – la Nuit – l’Éther – qui renseignent très exactement sur la voie ésotérique et sa géosophie : La lumière, ou le monde de la lumière, correspond à l’Occident, à notre monde terrestre, la Nuit à la Terre céleste, au Monde de l’Ame, et l’Éther, enfin, au Monde au-delà des mondes, au Ciel proprement dit.

             Des Disciples à Saïs aux Hymnes à la Nuit et à Henri d’Ofterdingen, qui sont les trois principales œuvres du poète, mort à l’âge de 29 ans, il est aisé de suivre les différentes étapes de son initiation, de son salut qu’il trouvera dans la Nuit et de sa délivrance à l’extrémité orientale de ce que nous appelons le Monde de l’âme.

             Il y a tout d’abord ce monde terrestre où nous vivons et où nous mourrons qui est notre « exil » et qui est réellement un « occident » par rapport à un « orient » qui est, lui, notre vraie patrie. C’est ce monde qu’il faut quitter lorsque l’on reçoit l’Appel à se mettre en marche vers l’Orient. Commence alors un pèlerinage, une sorte de quête nostalgique de ce monde « oriental » qui nous est familier, en quelque sorte parce que nous y avons vécu, parce que nous en venons. De ce pèlerinage vers l’Orient, Novalis nous dit ce qu’il fut, d’après sa propre expérience après la mort de sa bien-aimée Sophie, à l’âge de 15 ans : « Lointain et harassant fut mon pèlerinage au Saint-Tombeau, et pesante, la Croix » (Hymnes à la Nuit, IV). Enfin, c’est une ascension, « vers le Haut », comme dit Goethe, vers cet Orient de l’âme qui est l’horizon de l’âme parvenue, au terme de son itinéraire initiatique à son Orient. C’est bien ce qu’exprime Novalis, d’une part lorsqu’il écrit : « Je le sais à présent, quand se fera le dernier matin : - lorsque la Nuit et l’Amour ne seront plus effarouchés par la lumière », et, d’autre part, quand il annonce, à propos de Henri d’Ofterdingen : « Il faut voir dans mon roman l'antipathie envers la lumière et l'ombre, la nostalgie de l'Éther clair, chaud et pénétrant » (18 juin 1800). Cet « Éther » appartient au Monde au-delà des mondes, à l’Orient du Monde de l’âme, tout de même que « le ciel de la Nuit et sa lumière, la Bien-aimée », participent du monde intermédiaire, le Monde de l’âme.

             Ce qui paraît exemplaire dans l’expérience intérieure de Novalis, c’est que le retour de l’Orient de l’initié n’est pas vécu comme un « exil occidental », mais que le monde terrestre où l’initié est forcé de revenir s’en trouve transfiguré. Autrement dit, l’initié a désormais ses racines dans le Ciel, si l’on peut dire, et lorsqu’il retourne dans le monde terrestre, il accomplit finalement une descente – qui est exactement équivalente à l’ascension de l’initié en direction de la Terre céleste – car les Ames célestes aussi sont descendues du monde des Intelligences pour peupler le monde des âmes : « Un homme qui devient esprit, c’est en même temps un esprit qui devient corps. Cette sorte supérieure de mort, si j’ose m’exprimer ainsi, n’a rien à voir ni à faire avec la mort ordinaire : ce sera quelque chose que nous pouvons appeler transfiguration » (frag. 65 des Etudes de Freiberg). Pour l’initié, le monde terrestre devient donc un monde transfiguré par l’expérience même de son ascension vers l’Orient de la Terre céleste : « Celui à qui il est devenu clair, un jour, que le monde est le Royaume de Dieu, celui que cette immense conviction a pénétré une fois de sa plénitude infinie : celui-là s’en ira consolé dans les sombres chemins de la vie et en regardera les orages et les périls avec une profonde sérénité divine » (16 avril 1800).

©2002, Jean Moncelon