Le Maître du Silence

« Garde le silence, afin que notre silence dise : / « C’est Lui l’origine de la parole, le Sultan des paroles »

Rûmî, Odes mystiques, 1039

SOMMAIRE

> L'histoire des Fidèles d'amour : D'Orient et d'Occident

> L'expérience spirituelle des fedeli d'amore : Initiation - Illumination -

> A propos de Raphaël

> Dante et Novalis

D'Orient et d'Occident :

> Henry Corbin et la religion des Fidèles d'amour

> Novalis et Ibn 'Arabî

> A propos de Sohravardî

 

 

 

 

 

 

Retour à Aperçus sur l'ordre des Fidèles d'amour - Aperçus sur l'ésotérisme

 

 

« Chaque être a son Lotus de la limite », dit Semnânî, et il appartient aux seuls adeptes d’outrepasser cette limite, à ceux d’entre les fidèles d’amour qui ont atteint « l’ésotérique de l’ésotérique » où l’Amour et la Connaissance cessent de se distinguer pour ne former qu’une seule gnose amoureuse, « au sommet de la hiérarchie », donc, « au principe commun » où la voie de l’Amour et la voie de la Connaissance « tirent leurs attributions respectives ». C’est ainsi entrer dans cette Connaissance où « connaître son Soi, c’est connaître son Seigneur ». C’est aussi l’accès au « pur amour », en d’autres termes, à cet « attachement intime qui est étranger au monde de la nature ». Voici ce qu’en dit Rûzbehân Baqlî : « Il est connu parmi les hommes et il est compris chez les gnostiques de telle sorte que cet amour ne soit pas corporel, mais qu’il ne soit que l’action que le Créateur, lorsqu’il veut guider un élu sur le coin de l’invisible ou le monde du mystère, projette dans le sentiment inné de cette personne et qui permet à celle-ci de voir avec les yeux de l’âme les beautés des œuvres divines. »

 Pour en revenir au Lotus de la limite, il existe une limite au-delà de laquelle le fidèle d’amour se trouve, « tel le géomètre attaché tout entier / à mesurer le cercle, et qui ne peut trouver / en pensant, le principe qui manque », comme dit Dante, en son dernier chapitre de la Divine Comédie (133-135). Mais c’est qu’il a atteint « le centre divin qui est au-delà de toutes les sphères » :

             « Ici la haute fantaisie perdit sa puissance ;

            Mais déjà il tournait mon désir et vouloir

            Tout comme roue également poussée,

            L’amour qui meut le soleil et les autres étoiles »

 

           Ce qui suit donc la vision de l’Ange, dans l’expérience des fedeli d’amore appartient à l'ordre des Théophanies informelles, autrement dit, au Silence, à ce qui s’opère dans le « secret du secret », qui constitue la part la plus intime de l’être. C’est la connaissance du « Maître du Silence », que l’Ange annonce, mais comme « quelque chose sur quoi le mystique gardera silence ». Ce Silence qui est aussi une « immuabilité », préfigure en quelque sorte l’accès du fidèle d’amour à l’Océan divin, à cet océan de la Déité qu’Ibn ‘Arabî appelait de ses vœux : « Fais-moi entrer, ô Seigneur, dans les profondeurs de l’Océan de ton unité infinie ».