Predigerkirche, église gothique de l'ancienne abbaye des Dominicains

MAÎTRE ECKHART

Ou Dieu dans l’Unité pure

 

 

 

Sommaire

Aperçus biographiques

Sermon 2 (extraits)

Actualité

 

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Retour à Maître Eckhart

 

 

 

 

 

LEXIQUE

 

Gott / Gottheit

 

Maître Eckhart distingue entre Dieu (Gott) – qui est le Dieu trinitaire, le Dieu vivant de la dévotion et de la mystique – et la Déité (Gottheit), l’essence divine, inaccessible et inconnaissable – cf. En-Sof de l’ésotérisme hébraïque –,  qui forme le terme de la voie ésotérique : l’UN.

 

Vünklin – Grunt

 

L’étincelle de l’âme – le fond de l’âme :

« Il est quelque chose au-dessus de l’être créé de l’âme, que ne touche rien de créé, qui est néant, même l’ange qui a un être pur, qui est pur et immense, ne le touche pas, cela n’a rien de commun avec quoi que ce soit. Bien des clercs fameux ont trébuché sur ce point. C’est une chose étrangère, c’est un désert, c’est innomé plutôt que cela n’a un nom, c’est plus ignoré que connu »

 

Abegescheidenheit

 

Le détachement

Voie de l’Unité, voie de « Dieu dans l’Unité pure », pour reprendre le titre d’un sermon de Maître Eckhart, elle est fondamentalement la voie du détachement :    

« Si tu es malade et que tu demandes à Dieu la santé, ta santé t’es plus chère que Dieu ; ainsi, il n’est pas ton Dieu : il est le Dieu du ciel et de la terre, mais il n’est pas ton Dieu. »

 

 

LA VOIE DE MAÎTRE ECKHART

 

Il y a d’abord l’accueil de Dieu en soi, ce qui implique que l’homme soit vierge, c’est-à-dire « dégagé de toutes images étrangères, aussi dégagé qu’il l’était alors qu’il n’était pas. »

 

Il y a ensuite la naissance du Fils dans l’âme, de l’enfant divin, le puer aeternus, comme l’écrit Marie-Madeleine Davy, dans le secret de l’âme : « Dans la source la plus intérieure, je sourds dans le Saint-Esprit : c’est là une vie, un être, une opération. Tout ce que Dieu opère est un ; c’est pourquoi il m’engendre en tant que son Fils, sans aucune différence »

           

            Mais cette naissance ne fait pas tout : « C’est dans le fond du fond que le Verbe apparaît pour céder ensuite la place à la Déité pure ». Elle doit s’accompagner par conséquent d’une « percée de l’âme », en direction de la Déité :

            « Les maîtres disent que deux puissances fluent de la partie supérieure de l’âme. L’une se nomme volonté, l’autre intellect. La perfection de ces puissances se situe dans la puissance supérieure qui se nomme intellect [il s’agit ici du « fond de l’âme »]. Elle ne peut jamais trouver le repos. Elle ne tend pas vers Dieu selon qu’il est l’Esprit Saint, elle fuit le Fils selon qu’il est le Fils. Elle ne veut pas non plus Dieu selon qu’il est Dieu. Pourquoi ? Parce que là il a un nom. Et s’il y avait mille dieux, elle ferait sans cesse sa percée, elle le veut là où il n’a pas de nom. Elle veut quelque chose de plus noble, quelque chose de meilleur que Dieu selon qu’il a un nom » (Mulier, venit hora)

 

            Pour accomplir ces différentes étapes, il n’y a finalement d’autres modes de réalisation spirituelle que le détachement, le détachement de soi et de tout le créé, y compris du désir du paradis terrestre, dans la dimension du salut – ascension horizontale – y compris de l’aspiration de l’âme au paradis céleste, lors de son ascension  verticale : « Ceux qui sont complètement sortis d’eux-mêmes, qui ne cherchent absolument rien qui leur soit propre en aucune chose, quelle qu’elle soit, grande ou petite, qui ne considèrent rien au-dessous d’eux, ni au-dessus d’eux, ni à côté d’eux, ni en eux, qui ne visent ni bien, ni honneur, ni agrément, ni récompense, ni royaume céleste, et qui sont sortis de tout cela, de tout ce qui leur est propre : ces gens là rendent honneur à Dieu, ils honorent Dieu véritablement et lui donnent ce qui est à lui »

C’est ainsi que s’opère le détachement, mode unique de réalisation, jusqu’à ce que l’âme devienne « un avec l’Un, un de l’Un, un dans l’Un et, dans l’Un, un éternellement ».

C’est qu’en effet, au terme de la voie, l’homme approche alors la Déité : « Quand l'âme reçoit un baiser de la Déité, elle acquiert toute sa perfection et sa béatitude, alors elle est embrassée par l'Unité » (In diebus suis placuit Deo).

 

            Ce baiser, naturellement, n’est ni celui du Fiancé, ni celui de l’Epoux divin, du Fils, selon les théophanies formelles et informelles, il est celui du Dieu sans nom, de l’UN, et c’est en cela que l’homme atteint sa délivrance, « toute sa perfection et sa béatitude ». On peut sous cet aspect se reporter au Traité « De l’homme noble » : «Je dis : quand l'homme, l'âme, l'esprit contemple Dieu, il se sait et se reconnaît aussi comme connaissant, c'est-à-dire : il reconnaît qu'il contemple et reconnaît Dieu. Or il a semblé à certains et il paraît aussi très vraisemblable que la fleur et le noyau de la béatitude se situent dans la connaissance par laquelle l'esprit connaît qu'il connaît Dieu, car si je possédais toutes les délices sans en rien savoir, que m'importerait, et quelles délices seraient-ce là pour moi? Pourtant je dis avec assurance qu'il n'en est pas ainsi. S'il est vrai que, sans cela, l'âme ne serait pas bienheureuse, la béatitude ne se situe pourtant pas là, car le premier élément de la béatitude, c'est que l'âme contemple Dieu sans voile. C'est de là qu’elle reçoit tout son être et sa vie et qu’elle puise tout ce qu'elle est dans l'abîme de Dieu et ne sait rien de la connaissance ni de l'amour ni de quoi que ce soit. Elle repose totalement et exclusivement dans l'être de Dieu, elle ne connaît là que I'Être et Dieu. Mais quand elle sait et reconnaît qu’elle contemple, connaît et aime Dieu, c'est une sortie de cet état et un retour à l'état premier selon l'ordre naturel. »

 

Conclusion

 

            L’œuvre de Maître Eckhart introduit à une voie typique de l’ésotérisme chrétien qui est une voie de l’Unité, qui se déploie au-delà des théophanies formelles et informelles.

            Le maître, c’est le Christ, engendré par le Père dans le secret de l’âme, c’est, en d’autres termes, la Présence, dans le secret de l’âme.

            C’est elle, cette Présence intérieure, qui est l’initiatrice, « au-delà de toute sensation concernant l’amour ou la connaissance » (Marie-Madeleine Davy)

            Quant aux modes de réalisation de la voie de Maître Eckhart, c’est essentiellement le détachement.