► LE DÉSERT DES DÉSERTS

SOMMAIRE

Ce qu'il dit de lui-même

Ce que dit de lui Jean Malaurie

Ce que dit de lui Bruce Chatwin

Ce qu'il dit de Monfreid

Désert et oasis

Bibliographie

 

 

 

 

Retour à Wilfred Thesiger - Jean Malaurie

Wilfred Thesiger

Wilfred Thesiger, dans le Désert des déserts

« Nous étions quatre à avancer depuis un mois avec des ressources très modestes - peu d'eau et encore moins de nourriture. L'un de nous a eu la chance de tuer un lièvre. Nous discutâmes longtemps de la manière dont il fallait l'accommoder. Finalement, nous avons trouvé un puits et nous l'avons préparé. Ce fut long et mon impatience allait croissant. Soudain, au moment de s'attaquer au lièvre, nous avons vu surgir quatre Bédouins. Nous les avons accueillis, nous leur avons offert du café et des dattes. Et comme ils n'avaient pas mangé de viande depuis plusieurs mois, le lièvre leur fut donné. Nous n'en avons pas mangé un seul morceau. Pour mes compagnons, c'était normal puisque les nouveaux arrivants étaient nos hôtes. »

Propos recueillis par Dominique de Roux, juin 2000

"Nul homme, après avoir connu cette vie, ne peut demeurer le même. Il portera à tout jamais, gravée en lui, l'empreinte du désert, dont le nomade est marqué comme au fer rouge, et au plus profond de ses désirs celui d'y retourner, lancinant ou vague selon son tempérament. Car cette terre cruelle est capable d'envoûter quiconque ose s'y aventurer, bien plus profondément qu'aucune autre région clémente de notre planète."

"Je suis allé en Arabie du Sud juste avant qu'il ne soit trop tard. D'autres assurément s'y rendront pour y étudier la géologie et l'archéologie, l'ornithologie, les plantes ou les animaux, et éventuellement, les Arabes eux-mêmes. Mais en voiture et avec la radio. Ils en rapporteront sans doute des renseignements plus utiles que les miens, mais ils ne pourront plus saisir l'âme secrète de ce pays. Si l'on souhaitait vivre aujourd'hui là-bas la même vie que la mienne, ce ne serait pas possible, parce qu'entre-temps sont apparus les techniciens, à la recherche de pétrole. Le désert que j'ai connu est défiguré par les roues des camions et les déchets qu'y ont laissés derrière eux les Européens et les Américains. Et cette profanation matérielle n'est rien encore au regard de la démoralisation qui s'est emparée des Bédouins eux-mêmes. Lorsque je vivais parmi eux, ils n'avaient aucune idée de l'existence d'un monde autre que le leur. Non qu'ils fussent d'ignorants sauvages : bien au contraire, mais, descendants directs d'une très ancienne civilisation, ils trouvaient au sein même de leurs traditions cette liberté individuelle et cette discipline de soi qu'ils recherchaient passionnément. Maintenant, ils sont peu à peu chassés du désert et poussés vers les villes où les qualités qui faisaient jadis leur grandeur sont dévalorisées. Des forces, aussi irrésistibles que les sécheresse qui causaient si souvent leur mort autrefois, ont détruit l'équilibre de leur vie. Aujourd'hui ce n'est pas la mort, mais la déchéance, qu'ils leur faut affronter."