►LA DA‘WA FATIMIDE AU YEMEN

Gloire à Dieu, le seigneur des mondes! / Ses prières soient sur notre prince Mohammad, le sceau des prophètes, le prince des envoyés ; / sur notre seigneur ‘Alî ibn Abî Tâlib, le plus auguste des héritiers prophétiques ; / sur les Imams de sa postérité, les très bons, les très purs ; / sur notre seigneur et notre prince, l'Imam fils d'Imam, at-Tayyib Abû-l-Qâsim, Emir des croyants. Sur eux tous salutations de paix divine (1).

Cet article est paru en 1995 dans les

Chroniques yéménites

publication du CENTRE FRANCAIS D'ETUDES YEMENITES DE SANA'A

 

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Avertissement

Malgré de récentes recherches (Henry Corbin, ‘Abbâs Hamdânî), l'ismaélisme yéménite demeure une terra incognita. Alors que l'histoire et les doctrines de l'ismaélisme en général sont de mieux en mieux connues (2), et spécialement l'ismaélisme réformé d'Alamût (des Khojas), la branche musta‘lî-tayyibî du Yémen (Sulaymânî) et de l'Inde (les Bohras) - dont les spécialistes s'accordent pourtant à reconnaître l'importance - reste à peu près ignorée. La raison en est des plus simples, et Henry Corbin l'avait notée en son temps : "Les Khojas, plus libéraux, sont prêts à publier des textes pour faire connaître l'ismaélisme. Malheureusement, tous les manuscrits sont en possession des Bohras, qui continuent d'observer une telle discipline du secret que, sur les quelques sept cent soixante-dix titres recensés par le regretté W. Ivanow (y compris les textes druzes) (3), seules quelques dizaines d'ouvrages ont été accessibles aujourd'hui" (4). Il est peu probable que la situation évolue dans le sens d'une meilleure diffusion de ces manuscrits que ce soit en Inde ou au Yémen, et les recherches devront se limiter pour de nombreuses années encore à l'approfondissement de ce qui est connu : ce qui, déjà, implique un travail considérable.

Le présent article récapitule par conséquent ce que nous savons de l'ismaélisme yéménite, de la première vague de "propagande", à la fin du IXème siècle (Mansûr al-Yaman), à l'âge d'or des Sulayhides (XIème-XIIème siècles), de l'"occultation" d’at-Tayyib Abû-l-Qâsim, XXIème et dernier imam fatimide, en 1130, à la succession ininterrompue jusqu'à nos jours des dâ‘î-s yéménites (cf. Annexes).

Par ailleurs, pour pallier les difficultés que le vocabulaire technique de l'ismaélisme pourrait présenter pour le lecteur non spécialiste, nous faisons précéder cet article d'un glossaire.

- bâb (ou "Seuil" de l'imam) : le rang le plus élevé dans la hiérarchie de la da‘wa fatimide. Le bâb est le lien entre l'imam et ses fidèles, le médiateur "sur qui repose l'articulation du visible et de l'invisible".

- bâtin: "Chaque verset (= du saint Coran) qui m'est descendu, dit un hadith, comporte un sens exotérique (zâhir) et un sens ésotérique (bâtin)." Le mot bâtin désigne donc ce qui est caché derrière le sens littéral, dans les textes sacrés, spécialement dans le saint Coran. (on appelle au Yémen les ismaéliens, bâtiniyya ).

- dâ‘î : 1 - Missionnaire, "propagandiste" religieux. (Louis Massignon traduisait par "apôtre"). 2 - Rang dans la hiérarchie de la da‘wa (q.v.).

- dâ‘î balâgh : rang le plus élevé dans un Conseil de dâ‘î-s. Le dâ‘î balâgh fait la liaison entre le Conseil de l'imam et les différents Conseils de dâ‘î-s. Il a également à sa charge le soin de la prédication.

- dâ‘î mutlaq: 1 - Rang dans la hiérarchie de la da‘wa (q.v.). 2 - Rang le plus élevé dans la da‘wa yéménite post-fatimide, après 1130. Au Yémen, le dâ‘î mutlaq a sous son autorité directe plusieurs dâ‘î-s.

- da‘wa : 1 - Mission religieuse. Invitation à soutenir les revendications d'un prétendant à l'imamat. Appel à adhérer à l'enseignement des saints imams. 2 - Organisation, sous l'autorité de l'imam : Bâb (un seul), Hujja (12 ou 24, chaque hujja a la responsabilité d'un Conseil de dâ‘î-s). Conseil des dâ‘î-s : dâ‘î balâgh, dâ‘î mutlaq, al-ma'dhûn (assistant d'un dâ‘î), al-mukâsir (officier de la da‘wa). 

- hadd (pl. hudûd) : 1 - Rang, dans la hiérarchie de la da‘wa . 2 - Degré de la hiérarchie céleste (5).

- hujja (ou "Preuve" de l'imam) : rang dans la hiérarchie de la da‘wa. Il y a douze hujja-s, dits du Jour, lorsqu'ils exercent leur autorité dans les zones sous contrôle fatimide, et douze, dits de la Nuit, dans les autres parties du monde musulman. Chacun des 24 hujja-s est responsable d'une région (jazîra).

- jazîra (littéralement, île) : région où s'exerce l'autorité de la da‘wa, sous la responsabilité d'un hujja et d'un Conseil de dâ‘î-s. Il y a ainsi douze régions.

- nass : mode d'investiture, désignation officielle par l'imam de son successeur.

- nâtiq : prophète énonciateur d'une nouvelle Loi. Les ismaéliens en comptent six à l'intérieur de notre présent cycle : Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Mahomet. Chaque nâtiq est "doublé" par un wasî dont la mission consiste à enseigner le sens caché, l'ésotérisme (bâtin) de la Loi. Ce sont respectivement Seth, Sem, Ismaël, Aaron, Simon bar Kepha et ‘Alî ibn Abî Tâlib. Pour le chiisme en général, la fin du présent cycle se clôt par la venue de l'imam caché, le Mahdî, qui manifestera le sens spirituel de toutes les Lois religieuses et inaugurera un nouveau cycle, non plus d'Occultation, mais d'Epiphanie (dawr al-Kashf).

- raj‘a : le "Retour pour la Vengeance de la Justice" (selon la traduction de Louis Massignon) (6). La raj‘a précède le Jour de la Résurrection.

- satr : "occultation", lorsque l'imam disparaît à la vue de ses fidèles. C'est la situation actuelle, pour la da‘wa yéménite post-fatimide, depuis 1130. L'expression dawr as-satr désigne notre présent cycle d'Occultation (depuis Adam-Seth et jusqu'au retour du Qâ'im).

- taqiyya : arcane, règle de dissimulation à laquelle les fidèles ismaéliens peuvent recourir en cas de danger.

- ta’wîl : exégèse, interprétation ésotérique du saint Coran, de la sharî‘a ainsi que de certains événements historiques (son contraire est l'explication littérale, le commentaire exotérique du Livre Saint : le tafsîr) (7).

- wasî : accompagnateur du nâtiq (q.v.). A chaque wasî succèdent une ou plusieurs heptades d'imams, visibles (cas des nizarites) ou invisibles (cas de la branche yéménite pour qui at-Tayyib, XXIème imam, clôt la succession des imams fatimides).

 

Le proto-ismaélisme

Le Yémen n'est pas directement intéressé par ce qu'on appelle le proto-ismaélisme (qui couvre une période s'étendant de la mort de Salmân al Fârisî, vers 641, à la pénétration des premiers dâ‘î-s au Yémen, en 881). Des Yéménites, pourtant, y joueront un rôle non négligeable, en particulier le très curieux ‘Abd Allâh b. Saba', juif yéménite converti, né à Sanaa, à qui il revient sans doute d'avoir imaginé la première conspiration anti-sunnite (Salmân s'était contenté de commenter l'élection d'Abû Bakr d'un mystérieux "vous avez fait, et vous n'avez pas fait" (8)). Il aurait également prêché ouvertement la divinité de ‘Alî. Ce qui est vraisemblable. En revanche, il est assurément le premier à avoir répandu l'idée que le Mahdî descendrait de ‘Alî par Fâtima. En ce sens, il est le premier des "Fatimides" (9).

Ja'far as-Sâdiq, le sixième imam de la lignée de ‘Alî b. Abî Tâlib, avait désigné comme son successeur et héritier spirituel son fils aîné, Ismâ‘îl. Celui-ci meurt prématurément en 754 et Ja'far as-Sâdiq transfère alors son investiture à Mûsâ al-Kâzim, frère cadet d'Ismâ‘îl, qui deviendra le septième imam de la lignée, en 765. Or, autour du jeune Ismâ‘îl, s'était constitué un groupe de disciples particulièrement fervents et dont les tendances, selon l'expression de Henry Corbin, étaient "ultra-chiites". Ces disciples contestèrent la décision de Ja'far as-Sâdiq : les uns estimèrent qu'ils avaient donné leur obédience à Ismâ‘îl une fois pour toutes et que, d'ailleurs, celui-ci n'étant pas mort - l'annonce de sa mort était une ruse pour assurer sa protection -, il reviendrait comme Mahdî. Les autres reportèrent leur allégeance sur la personne du fils d'Ismâ‘îl, Muhammad (dès lors que l'imam était infaillible, sa première investiture en faveur de Ismâ‘îl demeurait valide). Ce sont les premiers ismaéliens. 

A Muhammad, succédèrent trois imams, dont on ne connaît à peu près rien, sinon qu'ils furent des imams clandestins (mais non "occultés") : ‘Abd Allâh, Ahmad et al-Husayn (mort en 881). Le suivant, ‘Ubayd Allâh al-Mahdî, sortit de la clandestinité et devint le premier imam fatimide (909). Il reste que le rattachement généalogique de ‘Ubayd Allâh al-Mahdî à la lignée alide est sujette à caution. Pour Louis Massignon, "si cette revendication était d'importance vis-à-vis du peuple, au jugement de leurs adversaires, il paraît bien qu'elle n'intéressait guère les initiés à la vraie doctrine, qui attendaient avant tout un chef muni d'une désignation divine spéciale, qu'il fût ou non ‘alide" (10).

Quoi qu'il en soit, le Yémen devait jouer un rôle non négligeable dans l'organisation de la da‘wa fatimide, avant même l'avènement de ‘Ubayd Allâh al-Mahdî.

Le Yémen dans l'organisation de la da‘wa fatimide

L'introduction de l'ismaélisme au Yémen est le fait de deux dâ‘î-s, ‘Alî b. al-Fadl, un chiite yéménite, converti à l'ismaélisme lors d'un pèlerinage à Kerbala, sur la tombe de l'imam Husayn, et Abû-l-Qâsim al-Hasan b. Faraj b. Hawshab al-Kûfî, connu principalement sous le nom de Mansûr al-Yaman (11).

Dès 883, ce dernier enregistre ses premiers succès au Yémen, en s'appuyant sur les tribus, et s'établit dans le djebel Miswar (12) où il fonde une dâr al-hijra (à ‘Adan-Lâ‘a, au sud-ouest de Sanaa). De son côté ‘Alî b. al-Fadl s'installe à Mudhaykhira, au sud de Ibb, d'où il étend progressivement son influence. La même année, un neveu de Mansûr al-Yaman, al-Haytham, est envoyé dans le Sind (sa mission sera couronnée de succès, spécialement à Multan) (13).

Mais surtout, en 893, Mansûr al-Yaman confie à Abû ‘Abd Allâh dit ash-Shî’î, né à Sanaa, la mission de préparer les chemins de ‘Ubayd Allâh al-Mahdî. On sait que la réussite de cette mission sera totale, grâce à la tribu berbère des Kûtama (Abû ‘Abd Allâh s'installe à Ikjân, actuellement Guidjdjel, près de Sétif (14)), et qu'en 909 ‘Ubayd Allâh al-Madhî fera cesser la clandestinité des imams descendants d'Ismâ‘îl, le fils de Ja'far as-Sâdiq, en se proclamant imam et Ier calife fatimide. Mansûr al-Yaman est donc contemporain de l'avènement de la dynastie fatimide, comme Abû ‘Abd Allâh en est en quelque sorte l'initiateur (‘Ubayd Allâh al-Mahdî aurait d'ailleurs hésité entre le Yémen et le Maghreb pour revendiquer ses droits).

Au Yémen, cependant, la da‘wa ne va pas tarder à se heurter aux zaydites qui constituent un Etat en 893 - tandis que la rivalité entre ismaéliens et qarmates (15) débouche rapidement sur un conflit, lourd de conséquences, entre Mansûr al-Yaman et ‘Alî b. al-Fadl. Le premier reste fidèle à la naissante dynastie fatimide tandis que le second cherche à faire basculer le Yémen dans le camp des qarmates (910-915). Après avoir occupé de nouveau Sanaa, ‘Alî b. al-Fadl abolit la sharî‘aet se proclame le Mahdî (911).

Mansûr al-Yaman meurt en 914, et son fils (ou petit-fils) Ja'far b. Mansûr al-Yaman lui succède. Quant au mouvement qarmate, il est décimé après la mort de ‘Alî b. al-Fadl, en 915. Vingt ans plus tard, découragé, Ja'far b. Mansûr al-Yaman quitte le Yémen pour rejoindre au Maghreb, à Mansûriya, al-Qâ'im bi-Amr Allâh, le IIème imam fatimide. Al-Mu‘izz li-Dîn Allâh, IVème imam, lui accordera finalement le titre de Bâb.

L'âge d'or des Sulayhides (1037-1138)

Succède à Ja'far b. Mansûr al-Yaman une lignée de dâ‘î-s plus ou moins clandestins sur lesquels les renseignements font défaut (ils auraient reçu toutefois leur investiture de Ja'far b. Mansûr al-Yaman), mais qui, en tout état de cause, continuent leur mission de propagande et surtout s'adressent directement aux tribus avec lesquelles ils signent des accords secrets. C'est ainsi que les Ya‘furides adhéreront à la da‘wa, et même s'en réclameront ouvertement, de 989 à 997, sous le règne du dernier émir, ‘Abd Allâh b. Qahtân. Parmi ces dâ‘î-s, un certain Sulaymân b. ‘Abd Allâh az-Zawâhî désigne, pour lui succéder, le fils d'un important qâdî du djebel Harâz : ‘Alî b. Muhammad as-Sulayhî. Ce dernier est officiellement guide des caravanes de pèlerins yéménites pour la Mecque et il occupera ces fonctions de longues années, jusqu'en 1037, date à laquelle, après avoir reçu le titre de hujja, de l'imam fatimide al-Mustansir bi-llâh, il rejoint le djebel Harâz et se lance à la conquête du Yémen. Le soutien reçu par de nombreuses tribus yéménites, dont les Hamdanides, lui permet de progresser assez rapidement. En 1060, il s'empare de Zabid et met fin à l'hostilité contre lui des Ya‘firides. Puis, il se tourne vers Sanaa d'où il chasse les zaydites et vers Aden, qu'il conquiert également en 1062 (20 ans plus tard, les Sulayhides confieront le pouvoir à deux frères, les fondateurs de la dynastie des Zuray‘ides dont le rôle, au moment de la mort d'al-Amîr, XXème imam fatimide, et de l'occultation d’at-Tayyib, sera décisif, (cf. infra). En 1064, enfin, il règne sur l'ensemble du Yémen et son autorité s'étend jusqu'à la Mecque. Peu auparavant, il a envoyé en mission au Caire un de ses dâ‘î-s, Lamak b. Mâlik al-Hammâdî, chargé de le représenter auprès de l'imam (il retournera au Yémen au terme de cinq années, avec le titre de dâ‘î balâgh). En 1066, alors qu'il se rend en pèlerinage à la Mecque, ‘Alî as-Sulayhî est assassiné.

Lui succède son fils, Ahmad al-Mukarram (m. 1084). Mais, pour des raisons qui restent encore de nos jours mystérieuses, celui-ci renonce à son pouvoir qui passe aux mains de son épouse, as-Sayyida bint Ahmad (la fameuse reine Arwâ), laquelle gouvernera avec autorité et avec un discernement assez remarquable jusqu'à sa mort en 1138. Durant son règne, elle maintient des liens étroits et le plus souvent cordiaux avec les Fatimides d'Egypte (jusqu'à la mort d'al-Amîr) et surtout elle renoue avec l'Inde. Avec l'accord d'al-Mustansir bi-llâh, en effet, de nombreuses missions sont envoyées dans le Gujarat (les Bohras en sont issus) et as-Sayyida bint Ahmad aura, à la mort de son mari, la responsabilité, en tant que hujja, de la propagande fatimide en Inde.

Il reste qu'un doute subsiste sur son titre de hujja. A-t-elle réuni, comme ses prédécesseurs, les deux pouvoirs, spirituel et temporel ? Il est certain que jusqu'à la mort d'al-Mukarram, le titre de hujja est resté à celui-ci, mais après ? Selon ‘Umâra, la direction de la da‘wa est passée de dâ‘î en dâ‘î, jusqu'à Ibrâhîm b. al-Husayn al-Hâmidî (m. 1162). Pour Hâtim b. Ibrâhîm al-Hâmidî, la reine en a conservé, du moins en titre, la direction, assistée par un dâ‘î, chef spirituel "occulte" de la da‘wa. L'hypothèse retenue par S. M. Stern est que, dès le retrait d'al-Mukarram de la vie publique, la direction spirituelle est revenue à des dâ‘î-s, tandis qu'officiellement le titre de hujja demeurait aux Sulayhides (al-Mukarram, puis as-Sayyida bint Ahmad). Dans l'état actuel des connaissances, on se contentera de remarquer qu'al-Mustansir bi-llâh nomma effectivement as-Sayyida bint Ahmad hujja peu après la mort d'al-Mukarram, et que Yahyâ b. Lamak désigna son successeur en concertation avec elle, en 1126.

Sous son règne, aussi, deux événements particulièrement graves vont affecter la dynastie fatimide et leur retentissement atteindra le Yémen.

Le premier : al-Mustansir bi-llâh donne son investiture à son jeune fils Musta‘lî, au lieu de son fils aîné Nizâr, de sorte qu'à sa mort, en 1094, la communauté fatimide va se diviser, les uns soutenant Nizâr (les nizârî) et les autres Musta‘lî (les musta‘liyân). Henry Corbin, qui penchait fortement pour l'ismaélisme réformé d'Alamût, tenait le Califat fatimide pour un "intermède politique" : "Dans quelle mesure, écrit-il, une sodalité ésotérique est-elle compatible avec l'organisation officielle d'un Etat ?" La question ne manque pas d'intérêt, toutefois, on peut considérer, à s'en tenir au mode d'élection de l'imam fatimide, qu'il y avait un certain "légitimisme" à reconnaître la décision d'al-Mustansir bi-llâh. Quoi qu'il en soit, au Yémen, as-Sayyida bint Ahmad et le dâ‘î Yahyâ b. Lamak soutiendront sans hésiter la cause d'al-Musta‘lî. 

Le second : quelques années plus tard, au moment de la succession de l'imam al-Amîr, le même problème se posera et, une nouvelle fois, c'est le "légitimisme" qui présidera au choix d’as-Sayyida bint Ahmad.

At-Tayyib Abû-l-Qâsim (1130)

En 1130, le XXème imam fatimide, al-Amîr, est assassiné au Caire, selon toute vraisemblance, par des émissaires nizarites. Il laisse une épouse et un fils, âgé d'un an, dont la naissance avait été annoncée officiellement au Yémen, at-Tayyib Abû-l-Qâsim, son héritier. La régence est assurée par ‘Abd al-Majîd, un cousin d'al-Amîr, assisté par un premier vizir (Hazârmard), puis par un second, plus ambitieux, Abû ‘Alî Kutayfât, qui dépose bientôt ‘Abd al-Majîd et proclame la fin de la dynastie fatimide (avec retour au chiisme duodécimain). Mais, il est renversé à son tour, le 8 décembre 1131, et ‘Abd al-Majîd retrouvant sa liberté, après quelques mois de pouvoir, s'auto-proclame imam, à la place d’at-Tayyib, sous le nom de al-Hâfiz li-Dîn Allâh (février 1132).

Qu'est devenu at-Tayyib, le très jeune fils d'al-Amîr ? Les documents concernant le XXIème imam sont rarissimes (16). Certains commentateurs ont d'ailleurs douté de son existence historique (Horovitz avait bien douté de celle de Salmân al-Fârisî). Toutefois, depuis les investigations de S. M. Stern, on peut la tenir pour certaine. Ce qui pose le problème de la légitimité de ceux qu'on appelle les "derniers fatimides". En fait, que ‘Abd al-Majîd (le futur Hâfiz) ait fait disparaître at-Tayyib ou que celui-ci se soit effectivement "occulté", il passe pour un usurpateur.

Au Yémen, à l'annonce de ces bouleversements, deux partis se forment, celui d'al-Hâfiz, soutenu par les Zuray‘ides de Aden, et un parti légitimiste, resté fidèle à at-Tayyib, auquel adhèrent les principaux dâ‘î-s yéménites. Quant à as-Sayyida bint Ahmad, il semble qu'elle se soit trouvée prise entre les deux camps : d'une part, elle reconnaît publiquement at-Tayyib comme imam légitime (et lui lègue sa fortune), d'autre part, pour des raisons politiques, elle désigne un dâ‘î partisan d'al-Hâfiz (Muhammad b. Saba'). On peut cependant tenir pour sincères ses protestations de fidélité à l'égard d’at-Tayyib.

Si les documents manquent, à propos d’at-Tayyib, il reste toutefois cette singulière histoire, rapportée par Tâhir Sayf ad-Dîn (m. 1965), 51ème dâ‘î, (d'après le célèbre dâ‘î yéménite ‘Alî b. Muhammad b. al-Walîd), digne d'intérêt, si l'on veut bien considérer qu'il existe des lieux "cachés" aux yeux du plus grand nombre (cf. René Guénon, Le Roi du Monde).

"Un marchand, originaire d'Andalousie, venu en Egypte pour acheter des objets précieux, s'en retourne chez lui, ayant vendu toute sa marchandise, à l'exception d'un vase en cristal dont le prix est jugé trop élevé. Au Maghreb, il rencontre un de ses amis qui lui propose de se rendre avec lui, au-delà des montagnes, où il sait trouver un acquéreur. Au passage d'un col, ils sont arrêtés par un soldat qui empêche le marchand d'aller plus loin. Son ami lui obtiendra finalement un permis et le lendemain, ils parviennent ensemble à un campement au centre duquel s'élève une tente somptueuse, avec un grand nombre de serviteurs. Après avoir salué en ces termes : "as-salâm ‘alâ amîr al-mu'minîn wa-rahmat Allâh wa-barakâtuh", ils sont mis en présence du prince (at-Tayyib). A sa vue, le marchand se sent pénétré de vénération. Le prince lui demande des nouvelles du Caire, comme un homme qui connaît bien l'endroit. Il lui parle du commerçant âgé chez qui il a acheté le vase précieux et lui demande d'en acquérir deux autres. Il lui confie une importante somme d'argent pour ces objets et pour d'autres encore dont il donne une description précise. De retour en Egypte, le marchand raconte son histoire au vieil homme qui tombe à genoux et lui explique que tous les vases en question proviennent de la succession d'al-Amîr, que l'imam les lui avait offerts pour le cas où il se trouverait dans le besoin. Le marchand achète alors tous les vases et retourne auprès du prince, avec une lettre du vieillard" (17).

Cette histoire est à rapprocher de la tradition yéménite (Ibrâhîm al-Hâmidî) (18) pour qui non seulement at-Tayyib n'a pas été tué, mais a trouvé refuge quelque part au Maghreb. Al-Amîr aurait confié la garde de son fils à un petit groupe de cinq dâ‘î-s fidèles, dont un certain Ibn Madyan. Peu après la mort de l'imam, ces dâ‘î-s sont arrêtés et exécutés sur l'ordre de Abû ‘Alî Kutayfât. Or, Ibn Madyan a le temps de remettre at-Tayyib à son beau-frère, Abû ‘Alî, qui, devant l'urgence, quitte Le Caire avec l'enfant pour le Maghreb, où d'ailleurs les avaient précédés les familles des fidèles du XXIème imam, fuyant la persécution. 

Telle est la thèse des auteurs yéménites et rien n'est jamais venu l'infirmer. D'ailleurs, l'hypothèse selon laquelle at-Tayyib aurait été tué par Abu ‘Alî Kutayfât n'est pas mieux attestée. L'important reste que, pour eux, les descendants d’at-Tayyib vivent toujours, dans un lieu tenu secret, et que parmi eux se lèvera le Mahdî. C'est qu'en effet l'occultation d’at-Tayyib place les ismaéliens du Yémen et de l'Inde, dans une position analogue à celle des chiites duodécimains. A ceci près que c'est Muhammad al-Mahdî, l'imam caché, qui est pour ceux-ci le Qâ'im, l'Attendu, alors que, pour les ismaéliens de la branche yéménite, c'est à un des descendants d’at-Tayyib, XXIème imam "fatimide", qu'il reviendra de proclamer la Grande Résurrection et de clore ainsi notre présent cycle d'Occultation. Notons que, pour la branche nizarite, l'imam est toujours "visible" (actuellement, Shah Karîm al-Husaynî, Aghâ Khân IV). Elle bouleverse aussi totalement l'organisation de la da‘wa.

La da‘wa yéménite post-fatimide 

Après l'occultation d’at-Tayyib, il n'y a plus de hujja, le pouvoir spirituel passe entre les mains d'une sorte de dâ‘î en chef, appelé dâ‘î mutlaq (19) (ne pas confondre avec le rang du même nom dans la da‘wa fatimide). C'est lui désormais qui désigne les dâ‘î-s et veille sur la doctrine (les principaux dâ‘î-s yéménites seront de remarquables penseurs, cf. infra ). Le premier dâ‘î mutlaq yéménite est adh-Dhu’ayb b. Mûsâ al-Wâdi‘î (m. 1151). Au temporel, il aura à négocier avec les Zura‘ides de Aden et les Hamdanides de Sanaa, partisans d'al-Hâfiz et des derniers Fatimides, et verra la fin de la dynastie des Sulayhides (que l'on peut faire remonter à 1138, à la mort d’as-Sayyida bint Ahmad). Comme l'a fait remarquer ‘Abbâs Hamdânî, à cette époque, "the Yaman presented a kaleidoscopic variety in its constant inter-state conflicts and readjustements" (20). Sous son autorité et celle de ses successeurs, la da‘wa yéménite post-fatimide, si elle a perdu un Etat temporel, n'est pas entrée pour autant dans la clandestinité et surtout son influence ne se limite pas au seul Yémen. Les relations avec l'Inde (Gujarat) sont maintenues, et la communauté indienne (les Bohras, le mot signifie "commerçants") augmente régulièrement, sous l'autorité du dâ‘î mutlaq yéménite, qui en désigne les responsables.

Hâtim b. Ibrâhîm al-Hâmidî (m. 1199) est contemporain, lui, de la conquête des Ayyûbides qui sera ressentie comme un juste retour des choses, puisque Zuray‘ides et Hamdanides seront battus (1173). Dans le même temps, Hâtim convertit les habitants du djebel Harâz à sa da‘wa et s'installe à al-Hutayb (où il a sa tombe, visitée encore de nos jours par de nombreux pèlerins, notamment indiens et pakistanais).

A la mort de ‘Alî b. Hâtim al-Hâmidî (le IVèmedâ‘î mutlaq), à Sanaa, en 1209, la direction spirituelle de la da‘wa yéménite post-fatimide est prise en charge par une célèbre famille de Quraysh, les Banû al-Anf, qui la conservera à deux exceptions près jusqu'en 1539. Autant la da‘wa yéménite post-fatimide saura s'attirer les bonnes grâces des Ayyûbides (jusqu'en 1229), puis des Rasûlides (jusqu'en 1454), et même des Tâhirides (jusqu'en 1517), autant son histoire désormais est inséparable des persécutions de la part des zaydites. En Inde, il en ira pareillement pendant plusieurs siècles, à partir de 1331, après l'occupation du Gujarat par Zafâr Khân Muzaffar, lequel prétend imposer partout le sunnisme. La communauté aura recours à la taqiyya pendant plus de deux siècles.

En 1539, à la mort du XXXVème dâ‘î mutlaq, Muhammad b. al-Hasan, la responsabilité de la da‘wa est transférée en Inde, pour de sinistres raisons, les zaydites ayant pratiquement exterminé les Banû al-Anf. Son successeur, Yûsuf b. Sulaymân, s'installe donc en Inde, et à sa mort, en 1567, c'est un Indien qui est désigné pour lui succéder, Jalâl b. Hasan, qui fait de Ahmadabad sa résidence et le siège principal de la da‘wa. Le Yémen est dirigé alors par un simple représentant du dâ‘î mutlaq. Cette situation dure jusqu'à ce que Sulaymân b. Hasan al-Hindî revendique pour le Yémen, à la mort de Dâwûd b. ‘Ajabshâh, en 1591, la direction de la da‘wa. L'affaire est jugée et faute d'un accord entre les deux parties, la da‘wa connaît son premier schisme. Désormais, deux dâ‘î-s mutlaq s'en partageront l'autorité spirituelle, l'un en Inde (Dâwûdî) et l'autre au Yémen (Sulaymânî). Il est à noter que ce schisme, qui s'est perpétué jusqu'à nos jours, a entraîné quelques différences doctrinales entre les deux communautés (la branche yéménite ayant conservé l'essentiel de la doctrine et de la hiérarchie de la da‘wa fatimide) et que leurs rapports ont été parfois tendus : 5 000 dâwûdîs environ vivent au Yémen, dans le djebel Harâz, sur un total de quelques 70 000 ismaéliens, et plusieurs milliers de sulaymânîs en Inde et au Pakistan.

En 1677, à la mort de ‘Alî b. Sulaymân, la direction spirituelle de la da‘wapasse de nouveau à une famille yéménite, les Makramî, qui quitte le djebel Harâz et s'installe dans le Najrân (à Badr) où elle reçoit l'hospitalité des Banû Yâm.

"On raconte qu'ils descendent de Sayf b. Dhî Yazan al-Himyarî. Mais Dieu est plus savant. Avant qu'ils ne se fussent fixés à Najrân, ils étaient établis à Wâdî Zahr, dans le village de Tayba (21), situé près de Sanaa. C'est un des lieux de promenade (pour les gens) de Sanaa... Puis les qâdî-s (Banû al-Makramî) s'établirent à Wâdî Najrân, probablement au début du XIIème siècle (fin du XVIIème de l'ère chrétienne), sous le règne de l'imam (zaydite) al-Mahdî Muhammad b. Ahmad b. al-Hasan (...). La raison était que l'imam avait réprouvé certains de leurs agissements. Il les expulsa donc de Tayba. Ils se dispersèrent dans diverses régions. Puis ils eurent l'occasion de se fixer à Najrân. Celui qui s'y établit, gouverna les tribus des Yâm de sorte qu'il gagna leur estime et se mit à exhorter aussi bien les chefs que les gens du commun. Les Yâm lui remirent alors les impôts canoniques en numéraire comme en grain. En résumé (ce Makramî) devint à la fois leur chef tribal et leur chef spirituel" (22).

Jusqu'en 1934, ce ne seront que conflits avec les imams zaydites, avec alternance de succès et de revers, puis, après cette date, avec les Saoudiens (23). Depuis 1976, enfin, l'actuel dâ‘î de la branche yéménite (Sulaymânî) est ash-Sharafî al-Husayn b. al-Hasan al-Makramî. Il a sous sa responsabilité trois jazîra (pl. jazâ'ir) : le Yémen, l'Inde et le Pakistan. En Inde, son représentant (mansûb) réside à Baroda et a autorité sur le Pakistan.

Conclusion

L'histoire de l'ismaélisme au Yémen est aussi l'histoire d'une doctrine qui a évolué depuis ce que ‘Abbâs Hamdânî appelle The Early Yamanî School, représentée par Mansûr al-Yaman et surtout son fils (ou petit-fils) Ja'far b. Mansûr al-Yaman jusqu'à cette Yamani Tayyibî school, après 1130, que la plupart des dâ‘î-s yéménites ont illustré avec des œuvres exceptionnelles (24), entre autres al-Husayn al-Walîd (cf. Annexe II). Dans les limites du présent article, il est impossible de rendre compte de l'apport du Yémen à la pensée ismaélienne, fatimide et "post-fatimide", d'autant qu'il convient, en cette matière, de confronter les textes yéménites avec les productions d'auteurs ismaéliens non-yéménites. Nous en ferons l'objet d'un second article. Faut-il ajouter qu'il y a pour le chercheur une masse insoupçonnée de documents à étudier ? "In the final analysis, reconnaissait ‘Abbâs Hamdânî , knowledge was the determining factor in the selection of a dâ‘î. No doubt, almost all dâ‘î-s in Yaman were authors of books, because the community respected scholarship more than wealth or power" (25).

NOTES

(1) Al-Husayn al-Walîd, VIIIème dâ‘î mutlaq yéménite, mort en 1268. (cf. Henry Corbin, Trilogie ismaélienne, Paris, Verdier, 1994, p.246).

(2) Cf. la somme de Farhad Daftary, The Ismâ'îlîs : Their History and Doctrines, Cambridge, Cambridge University Press, 1990. C'est, à ce jour, l'ouvrage le plus complet sur les "Ismaélismes" et le plus riche d'informations, y compris sur le Yémen (chap. V : "Musta'lian Ismâ'îlism", pp. 256-323).

(3) Cf. W. Ivanow, Ismaeli Literature, a Bibliographical Survey, Téhéran, 1963.

(4) Henry Corbin, Histoire de la philosophie islamique, Paris, Gallimard / Essais, 1986, p. 445.

(5) Sur l'homologie entre les degrés de la hiérarchie céleste (ou du monde angélique) et les degrés de la hiérarchie de la da‘wafatimide, cf. Henry Corbin, Temps cyclique et gnose ismaélienne, Berg International, 1982, p. 107.

(6) Cf. Louis Massignon, "Le temps dans la pensée islamique", dans Parole donnée, Paris, Le Seuil, 1983, pp. 319-326.

(7) "Le ta'wîl consiste à reconduire l'expression littérale jusqu'aux trésors (ou archétypes) déterminant l'être de la chose, qu'ils appartiennent au monde phénoménal ou qu'ils appartiennent au monde suprasensible" (Mohammed Karim-Khân Kermânî, cité par Henry Corbin, Itinéraire d'un enseignement , Téhéran, IFRI, 1993, p.149).

(8) Cf. Louis Massignon, "Salmân ou les prémices spirituelles de l'Islam iranien", dans Parole donnée, op. cit., pp. 109-110.

(9) Sur ‘Abd Allâh b. Saba', cf. Marshall G.S. Hodgson, art "Abdallâh b. Saba", EI 2.

(10) Louis Massignon, art "Karmates", EI 1 (814).

(11) Leur histoire est racontée par Bahâ ad-Dîn al-Janadî, dans son Kitâb as-sulûk, cf. H.C. Kay, "Account of the Karmathians in Yaman", dans Yaman, Its Early Medieval History, Londres, 1892, pp. 191-212.

(12) "On gaining possession of the mountain of Mashwar, al-Mansûr adopted the use of drums and standards. He was attended by thirty drummers, and whatever place he came to, the sound could be heard from a great distance" (Kay, idem, p.195).

(13) Cf. André Wink, Al-Hind. The Making of the Indo-Islamic World, Leiden, 1990, pp. 212-218.

(14) Où s'élève un très ancien sanctuaire dédié aux Ahl al-Kahf (les Sept Dormants d'Ephèse), cf. Louis Massignon, Les Sept Dormants d'Ephèse (Ahl al-Kahf) en Islam et en Chrétienté, Paris, Geuthner, 1955, pp. 79-85. Les Fatimides eurent, pour des motifs "eschatologiques", une grande dévotion pour les "Gens de la Caverne", selon le saint Coran, sourate XVIII, et c'est ce qui permet de dater les sanctuaires yéménites récemment (re)découverts dans le djebel Saber, près de Taez, et dans le djebel Sinam (Yâfi‘). 

(15) Sur les qarmates, cf. Louis Massignon, art "Karmates", op. cit., et toujours M.J. de Goeje, Mémoires sur les Carmates du Bahrain et les Fatimides, Leiden, 1886. 

(16) Cf. S.M. Stern, "The Succession to the Fatimid Imam al-Amir, the Claims of the Later Fatimids to the Imamate, and the Rise of Tayyibî Ismailism", Oriens, 4 (1951), pp. 193-255. Dans l'état actuel des recherches, cet article est assurément l'un des plus importants. On retiendra plus particulièrement le chap. IV : "The reactions of the da‘wa in Yemen to the crisis".

(17) Selon ‘Alî b. al-Walîd, "tout cela se calcule sur des chiffres astrologiques : la sphère droite, la sphère des constellations, les sept astres et les douze signes du zodiaque ; leur nombre est 21, et at-Tayyib est désigné 21ème imam, il n'y a nul doute en cela".

(18) Cf. S. M. Stern, op. cit., pp. 232-233.

(19) Pour la période considérée, Hâtim b. Ibrâhîm al-Hâmidî et ‘Umâra proposent deux listes divergentes, cf. S. M. Stern, op. cit., p.220. Nous suivons le premier, car ‘Umâra, soutenant les Zuray‘ides, partisans d'al-Hâfiz, avait intérêt à escamoter les noms des grands dâ‘î-s demeurés fidèles à at-Tayyib. 

(20) ‘Abbâs Hamdânî, "The Tayyibî-Fâtimid Community of the Yaman at the Time of the Ayyûbid Conquest of Southern Arabia", Arabian Studies, VII, 1980, p.151. 

(21) Où se trouve la tombe de Yûsuf b. Sulaymân, XXIVèmedâ‘î mutlaq (le premier qui fut d'origine indienne).

(22) Michel Tuchsherer, Imams, notables et bédouins du Yémen au XVIIIe siècle, Le Caire, IFAO, 1992, pp. 141-142.

(23) Ce qui n'empêche pas les ismaéliens yéménites d'être en butte aux exactions. Après le sanctuaire d’as-Sayyida bint Ahmad (1994), ce sont ceux du Harâz qui se trouvent visés ; cf. "Destruction of the Ismaili Shrines", Yemen Times, 27 mars 1995, p. 10.

(24) Nous renvoyons à la Risâla al-mabda' wa-l-ma‘âd , de al-Husayn b. ‘Alî b. Muhammad b. al-Walîd, VIIIèmedâ‘î yéménite, traduite et présentée par Henry Corbin (rééd. Verdier, 1994).

(25) ‘Abbâs Hamdânî, "Evolution of the Organisational Structure of the Fâtimî Da‘wah", Arabian Studies, III, 1976, p.98.