Titus Burckhardt (1908-1984)

« Que celui qui vient d’entrer en Islam bénisse les autres, car il est comme une épée fraîchement tirée du fourreau »

Titus Burckhardt

> Bibliographie

L’art de l’Islam, naturellement, publié aux éditions Sindbad, en 1985 et Principes et méthodes de l’art sacré, Dervy, 1995, « exposé métaphysique concernant le sens des formes d’un art qui, parce qu’il est sacré, a sa racine dans l’éternel, le sacré n’étant rien d’autre que la manifestation de l’Éternel dans le temporel ou du Centre sur le pourtour de la roue de l’existence », selon les mots de Seyyed Hossein Nasr. Mais Titus Burckhardt est aussi l’auteur d’ouvrages consacrés à l’ésotérisme, en particulier d’une remarquable Introduction aux doctrines ésotériques de l’Islam. Dervy-Livres, 1969

 

Voir aussi René Guénon & Frithjof Schuon - Brehed Kaeppelin

 

 

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           > Aperçus biographiques

          Ami personnel de Frithjof Schuon, Titus Burckhardt, né à Florence en 1908 et mort à Lausanne en 1984, compte parmi les grands « ésotéristes » du 20ème en Occident, parce qu’il a développé, dans le sens de sa propre vocation en Dieu, une œuvre originale, toute entière consacrée à l’art, à l’art traditionnel et sacré, naturellement, qu’il a illustré par des ouvrages auxquels il faut sans cesse se référer. Né dans une famille suisse germanique d’artistes et d’historiens de l’art, il aura beaucoup voyagé dans tous les pays du monde arabo-musulman, avec une réelle prédilection pour le Maroc, où il séjournera longuement dans les années 30. Durant ces années, il apprendra aussi l’arabe et se convertira à l’ésotérisme musulman – sous le nom de Sidi Ibrahim. Ceci, avant de rentrer à Lausanne pour y diriger une maison d’édition (Urs Graf Verlag), spécialisée dans la reproduction de manuscrits médiévaux, et pour se consacrer à des traductions, articles et ouvrages : sur l’alchimie, l’astrologie et l’art sacré.

           Pourquoi l’art ? C’est, comme il le dira lui-même, que « l’étude de l’art islamique, comme celle de n’importe quel autre art sacré, peut conduire, lorsqu’elle est entreprise avec une certaine ouverture d’esprit, vers une compréhension plus ou moins profonde des vérités ou réalités spirituelle qui sont à la base de tout un monde à la fois cosmique et humain ». Mais aussi, parce que, selon le mot du prophète de l’Islam, « Dieu est beau et il aime la Beauté » :  « Cette parole du Prophète, écrit-il, ouvre des perspectives illimitées, non seulement pour la vie intérieure, où la beauté aimée par Dieu est avant tout celle de l’âme, mais aussi pour l’art, dont le vrai but, compris à la lumière de cet enseignement prophétique, est de prêter un support à la contemplation de Dieu. Car la beauté est un rayonnement de l’univers, et toute œuvre belle en est un reflet. »

En 1972, il sera nommé expert auprès de l’UNESCO et sera chargé, jusqu’en 1977, d’un programme de préservation de la médina de Fès. Le Maroc est peut-être le pays auquel il restera le plus attaché, parce qu’il aura trouvé précisément dans ce pays « ce que l’Occident ne peut plus donner, parce qu’il l’a perdu : la présence du Beau dans la vie quotidienne, dans l’entourage bâti, dans le vêtement viril, dans les objets usuels faits de main d’homme et non par la machine. » Cependant, trente ans plus tard, on peut s’interroger sur cette « présence du Beau dans la vie quotidienne » en Orient, en général, car si ce dernier n’a que sa décadence à opposer à la « déviation » occidentale, elle ne sera plus bientôt pour des hommes comme Titus Burckhardt qu’une nostalgie, et cela même si l’Orient, par son activité en général, continue de témoigner malgré tout et à l’évidence qu’il n’y a pas de différence, « au point de vue de la valeur humaine globale, entre l’Orient et l’Occident ».  

Non seulement sa mission dans la médina de Fès, mais aussi toute la vie de Titus Burckhardt est une illustration exemplaire de ce propos de Frithjof Schuon dans Sur les traces de la religion pérenne: « Si a priori l’Occident a besoin de l’Orient traditionnel, celui-ci a besoin a posteriori de l’Occident qui a été à son école »

A propos de Roger du Pasquier

 De ce point de vue, l’itinéraire personnel de Roger du Pasquier qui trouva un jour René Guénon sur son chemin est exemplaire. Journaliste, il a en Indonésie, puis en Inde, à la faveur de séjours professionnels, l’expérience de « ce problème majeur de notre temps », selon ses propres termes, à savoir « la confrontation entre l’Orient et l’Occident, entre deux tranches de l’humanité, l’une statique et encore largement fidèle aux valeurs de son passé, l’autre dynamique, tournée vers l’avenir et vouée à l’acquisition du bien-être matériel, devenu le seul critère du progrès ». C’est la lecture de l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues de René Guénon qui sera « une sorte d’illumination » et, selon son expression, « comme le déchirement d’un voile devant des horizons illimités ». Roger du Pasquier, « retourné » par cette lecture qui non seulement modifiait son regard sur l’Inde et ses peuples se met en quête d’un guru. Quête infructueuse, décevante même, auprès de Shri Aurobindo. De retour en Suisse, en 1950, il apprend que René Guénon s’était converti à l’Islam et avait adhéré à l’ésotérisme musulman. Il réalisera le même programme, et c’est à l’étude de l’Islam qu’il consacrera désormais ses efforts, marquant, il y a quelques années, ce qu’il faudrait méditer en ce début de vingt et unième siècle, que l’Islam, « en dépit de sa décadence, de ces turbulences et de ces excès injustifiables commis en son nom (…) demeure un extraordinaire réservoir de foi et de prière »  et que, « s’il est toujours capable d’attirer les Occidentaux en quête de l’essentiel », il le doit à « sa spiritualité toujours vivante et au fait fondamental qu’il reste expression directe de la Vérité transcendante, sans laquelle il ne saurait y avoir de véritable religion », in « Humble voyage d’un occidental vers l’Islam », Le Temps stratégique, n°22, automne 1987.