Nicolas Bouvier
"Vis-à-vis de l'Occident et de ses
séductions, l'Afghan conserve une belle indépendance d'esprit. Il le
considère avec un peu le même intérêt prudent que nous, l'Afghanistan. Il
l'apprécie assez, mais quand à s'en laisser imposer..."
"Pourtant il ne faudrait pas croire que
l'Islam, dans cette hautes terres, soit tellement épris du terrestre et du
succès. Il y a ici un appétit essentiel sans cesse entretenu par le
spectacle d'une nature où l'homme apparaît comme un humble accident, par
la finesse et la lenteur d'une vie où le frugal tue le mesquin. Le Dieu de
l'Hindou-Kouch n'est, comme celui de Bethléem, amoureux de l'homme, il est
son créateur miséricordieux et grand. C'est un credo simple, mais qui
frappe. Les gens d'ici l'éprouvent avec plus de force et de verdeur que
nous" "Il faut connaître
l'abominable indiscrétion qui règne dans d'autres régions de l'Asie pour
mesurer ce que cette retenue a d'exceptionnel et d'appréciable. On pense
ici que témoigner trop d'intérêts ou de bonhomie nuirait à l'hospitalité.
Selon une chanson populaire afghane, le personnage grotesque, c'est celui
qui reçoit son hôte en lui demandant d'où il vient, puis "le tue de
questions des pieds à la tête". Vis-à-vis de l'Occidental, les Afghans ne
changent en rien leur manière. Pas de trace de veulerie, pas trace de ce
"psychisme" avantageux que vous opposent certains Indiens médiocres.
Est-ce l'effet de la montagne? C'est plutôt que les Afghans n'ont jamais
été colonisés (...) Donc pas d'affront à laver, ni de complexe à guérir.
Un étranger? un firanghi? Un homme quoi! On lui fait place, on
veille à ce qu'il soit servi, et chacun retourne à ses affaires."
Les
citations de Nicolas Bouvier sont extraites de L'usage du monde,
Payot, 1999 |