LA MAISON DE LA VIERGE A
ÉPHÈSE
Sa
découverte
On
doit « l’invention » de la Maison de la Vierge à Éphèse
à un concours de circonstances assez étonnant et somme toute
providentiel. Les visions d’Anne-Catherine Emmerick, la grande
stigmatisée de Dülmen, si précises sur la vie de la Vierge Marie,
inspirèrent en 1880 l’idée à un prêtre français, l’abbé Gouyet,
de se rendre à Éphèse pour constater sur place la véracité des
propos et pour découvrir peut-être l’emplacement de la maisonnette
d’Éphèse. Après quelques recherches, il parvint en un lieu où se
dressait une ruine et quand il demanda le nom de l’endroit, on lui répondit :
Panaya Kapoulou, la « porte de la Vierge ». De mémoire
d’homme, les habitants de la région venaient y célébrer, le 15 août,
l’Assomption de la Vierge, parce que, disaient-ils, c’était en
cette maison qu’elle était morte.
Les premières fouilles
entreprises confirmèrent l’antiquité des fondations de la maison et la
découverte fut authentifiée par Mgr Timoni, archevêque de Smyrne, en
1892. C’est ainsi que la Maison de la Vierge, où la Mère de Jésus vécut
exilée auprès de Saint Jean, est un sanctuaire marial depuis plus d’un
siècle et surtout, du fait de la vénération de l’Islam pour la Mère
de Jésus, qu’elle est devenue le lieu d’un pèlerinage commun aux chrétiens
et aux musulmans qui compte plus de 300 000 pèlerins par an.
Description
des lieux selon Anne Catherine Emmerick
« Sa
maison était située à trois lieues et demi de là, sur une montagne
qu’on voyait à gauche en venant de Jérusalem, et qui s’abaissait en
pente douce vers la ville. Lorsqu’on vient du Sud, Éphèse semble
ramassée au pied de la montagne ; mais à mesure qu’on avance, on
la voit se dérouler tout autour. Au midi on aperçoit des allées plantées
d’arbres magnifiques, puis d’étroits sentiers conduisent sur la
montagne, couverte d’une verdure agreste. Le sommet présente une plaine
ondulée et fertile d’une demi-lieue de tour : c’est là que s’était
établie la sainte Vierge.
(…) Avant
de conduire la sainte Vierge à Éphèse, Jean avait fait construire pour
elle une maison en cet endroit, où déjà beaucoup de saintes femmes et
plusieurs familles chrétiennes s’étaient établies, avant même que la
grande persécution eût éclaté. Elles demeuraient sous des tentes ou
dans des grottes, rendues habitables à l’aide de quelques boiseries.
Comme on avait utilisé les grottes et autres emplacements tels que la
nature les offrait, leurs habitations étaient isolées, et souvent éloignées
d’un quart de lieue les unes des autres. Derrière la maison de Marie,
la seule qui fût en pierre, la montagne n’offrait, jusqu’au sommet,
qu’une masse de rochers d’où l’on apercevait, par delà les allées
d’arbres, la ville d’Éphèse et la mer avec ses îles nombreuses.
(…)
La maison
de Marie était carrée, la partie postérieure seule était arrondie ;
les fenêtres étaient pratiquées au haut des murs et le toit était
plat. Elle était divisée en deux parties par le foyer, placé au
centre… »
Anne-Catherine Emmerick, Visions, Tequi, s.d., pp. 486-487
Un pèlerinage islamo-chrétien
La
Maison de la Vierge, à Éphèse, en tant que sanctuaire, est le lieu
d’une rencontre exceptionnelle entre les chrétiens et les musulmans,
« où les Catholiques célèbrent la messe, tandis que les
Musulmans prient dans la chambre adjacente ; les divers ex-votos
montrent que la Vierge accorde des miracles aux uns comme aux autres » (Frithjof Schuon, L’ésotérisme comme principe et comme voie, Dervy,
1997, p.204, n.5).
Mais
aussi, de manière symbolique, elle préfigure l’unanimité de tous les Ahl
al-Kitab, de tous les Gens du Livre : à Jérusalem, cette fois.
C’est ainsi que Frithjof Schuon écrira : « Mère de tous
les prophètes et matrice de toutes les formes sacrées, elle [ la Vierge
Marie ] a sa place d’honneur dans l’Islam tout en appartenant a priori
au Christianisme ; de ce fait, elle constitue une sorte de lien entre
les deux religions, lesquelles ont ceci en commun qu’elles entendent
universaliser le monothéisme d’Israël » (Frithjof Schuon, Christianisme / Islam, Arché, Milano, 1985, p.103). Et
Louis Massignon, en 1961, dans la revue Notre-Dame d’Éphèse :
« Éphèse doit devenir, avant le rassemblement final à Jérusalem,
pour tous les groupes chrétiens et musulmans, le lieu de la réconciliation
en « Hazrat Meryem Ana » (Notre Mère, en turc), en
attendant qu’Israël la reconnaisse enfin comme la gloire de Sion,
rejoigne cette unanimité tant désirée » (Cité par Christian Destremau & Jean Moncelon, Louis Massignon, une
biographie, op. cit., p.330)
|